Le Groupement d’achat solidaire Vi45 (GSA Vi45) redémarre ses activités

GSA Vi45 soutient les producteurs de biens issus des luttes sociales, par exemple les biens confisqués aux organisations criminelles ou les usines reprises par les travailleurs d’une entreprise délocalisée, et veut distribuer à ses membres des produits fabriqués dans le respect de la nature et de ceux qui les produisent, de qualité et à des prix raisonnables.
Les produits distribués par GSA Vi45 proviennent pour le moment de coopératives de Campanie, Pouilles, Calabre, mais bientôt d’autres réalités qui partagent nos objectifs et nos valeurs nous rejoindront.
Le prix final du produit, prend en compte le coût exigé par le fournisseur, le transport, les éventuelles pertes et casses, la prise en charge des frais pour permettre aux producteurs de nous rencontrer à Bruxelles pour nous parler de leurs produits et de la lutte pour la légalité.

ORDRES

Vous pouvez commander en ligne dans la BOUTIQUEE ou par téléphone aux numéros ci-dessous.
La date de clôture de cette commande est le 7 avril 2021.
En commandant, vous devenez membre de la GSA Vi45.
Ceux qui sont déjà membres devront indiquer leur numéro de membre dans leur commande.
Ceux qui ne le sont pas recevront leur carte de membre lors de la livraison des produits.
Pour des raisons de sécurité financière, GSA Vi45 demande le paiement des produits au moment de la commande par virement bancaire sur le compte bancaire de Culture contre camorra : BE45 0688 9934 1789

LIVRAISON

La date de livraison sera communiquée par courriel, mais elle aura lieu approximativement dans la deuxième moitié d’avril 2021.
Pour les membres belges, la livraison se fera chez Vi45 – rue de la Victoire, 45 1060 St. Gilles.
Pour la région parisienne, l’association Crim’HALT (crimhalt.asso@gmail.com) se chargera de la distribution (pour les petites quantités sur Paris, pour les grandes quantités à Saint Leu la Foret 95320).
Pour les autres pays, les personnes intéressées peuvent contacter directement les producteurs (voir la liste en fin de page).

Système d’alarme solidaire contre la criminalité SYSAL contre la criminalité

SYSAL contre la criminalité

 

 

«La camorra fait du porte-à-porte pour livrer les courses et prêter de l’argent sous la forme de usure «suspendue[1]». Les organisations criminelles utilisent la faim comme un investissement à leur reconnaissance future. La défiance instinctive envers les institutions entraîne la confiance dans ces organisations criminelles. Le redémarrage risque d’être un redémarrage mafieux ». (Roberto Saviano)

Le système proposé ci-dessous vise à s’appuyer sur le fonctionnement de réseaux et structures existants pour créer des synergies et des formes de coopération dans la lutte contre la criminalité organisée où qu’elle soit, et quelque soit la manière dont elle est définie. Pour cela, il est nécessaire de mettre en commun les connaissances et les ressources des organisations présentes localement dans chaque pays afin de contribuer – de manière différente et complémentaire – à affronter ce qui s’annonce comme un défi social, économique et culturel majeur.

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Série d’articles sur des coopératives agricoles en Europe

Nous initions une série d’articles sur les coopératives en Europe et comment elles parviennent à dépasser ou à prévoir les conséquences que la crise du COVID-19 a (et aura) sur leur fonctionnement et leur existence même. Nous commençons cette série d’articles par un focus sur l’Italie. Dans ce pays, qui est le premier en Europe à avoir dû faire face à la pandémie de coronavirus, le modèle coopératif est très largement diffusé notamment par le recours aux coopératives sociales (initiées par une loi de 191, nées pour contrer l’influence de la mafia, ndrangheta et camorra en leur permettant de gérer des biens immobiliers qui ont été confisqués par la justice aux membres du crime organisé.

 

Une coopérative agricole au cœur de la culture greco-calabraise

Photographie prise depuis le vignoble ©TerreGrecaniche

 

La coopérative agricole Terre Grecaniche qui sera notre premier modèle se trouve à l’extrême-sud de la région de la Calabre sur le territoire de la commune de Palizzi, dans la partie la plus méridionale de l’Italie continentale, sur le versant Sud de l’Aspromonte,. La coopérative se trouve donc sur le territoire de cette commune où elle naît en 2012 par la décision d’un groupe d’amis de se regrouper pour utiliser de manière mutualisée les terrains d’un agriculteur qui ne se sentaient pas de les vendre mais dont il ne réussissait plus à s’occuper seul. Le projet est donc à la fois un projet d’agriculture mais aussi culturel car il s’appuie sur l’histoire spécifique de son environnement proche. La commune de Palizzi est une des communes de l’aire Grecanica très liée à l’histoire et à la présence grecque en Italie du Sud.[1] La langue greco-calabraise est ainsi reconnue comme langue minoritaire en Italie et étudiée au sein de l’université Dante Alighieri de Reggio Calabria. Donc le projet de coopérative s’inscrit et renforce cette identité locale en s’appuyant aussi sur sa géographie.

 

Cette coopérative qui se trouve au chaud, au fond de la pointe de la botte italienne,  a connu une entrée en confinement tourmentée par le vol massif de ces outils de production, ces tracteurs et les outils qui permettent la culture de ces 30 hectares de terres agricoles réparties sur quatre champs destinés à la viniculture et à la production d’huile d’olive. Ce vol n’est pas le fruit du hasard dans un environnement direct où la criminalité organisée est très présente. À titre d’exemple, le conseil et l’administration municipaux de la petite commune de Palizzi[2] ont ainsi été dissous par décret au mois d’avril 2019 du fait de l’infiltration de la criminalité organisée (ndrangheta) et une administration spéciale dirigé par un préfet a été mise en place pour une période de 18 mois.

Commune de Palizzi en bleu – carte Confiscatibene.it

 

Si la coopérative Terre grecaniche n’est pas une coopérative sociale, ses objectifs mutualistes sont explicitement inscrits dans les statuts car les associés de cette coopérative « se sentent plus proches de l’économie sociale et solidaire que de l’économie de marché ». Il est d’ailleurs envisagé d’évoluer vers ce statut de coopérative sociale par la suite car selon Salvatore Orlando – l’un des associés de la Coopérative qui bénéficie d’une riche expérience d’expert dans le développement local – cela permettrait en tant que tel, outre de pouvoir gérer des biens confisqués, cela leur permettra également de promouvoir et de réaliser des politiques d’inclusion sociale (agriculture social, tourisme solidaire, inclusion par le travail). Cette évolution peut sembler pertinente alors même que la Calabre est la deuxième région italienne en nombre de biens immobiliers confisqués au crime organisé, après la Sicile voisine. D’autant plus que, si l’on se concentre sur les biens immobiliers pour lesquels les procédures sont arrivées à leur terme (donc des biens qui peuvent être réutilisés), le tiers consiste en des terrains agricoles.[3] En ce sens, la coopérative est déjà membre du consortium Macramé[4]qui gère des biens confisqués à la ndrangheta aux clans Iamonte et Bellocco sur les communes voisines de Melito di Porto Salvo et de Rosarno.

 

 

Une crise dans la crise

La situation particulière de la coopérative est que la crise du COVID-19 qui frappe l’Italie dès la fin du mois de février et le début du mois de mars coïncide donc avec le vol de tout son équipement, le 7 mars 2020 (toute l’Italie est mise en confinement à partir du 4 mars). Ce vol, qui est le deuxième que la coopérative subit après un premier en 2015, correspond à une valeur de 100.000 euros et empêche tout redémarrage de l’activité. Pourtant, selon Salvatore Orlando « cela peut sembler une chose folle à dire mais si la crise du coronavirus était arrivée à un autre moment peut être que nous n’aurions pas été dans cette vague de solidarité dû au vol, parce que je crois que beaucoup de personnes sont solidaires aussi pour la situation dans laquelle nous sommes. »

 

Photographie prises après le vol du 7 mars 2020 ©TerreGrecaniche

 

La coopérative n’est pas isolée au moment de ce vol. Tout d’abord,  ce n’est pas uniquement par la solidarité que la coopérative va trouver des fonds : les tracteurs étant assurés, cela va lui permettre de récupérer une somme de 20.000 euros. De plus, en Italie elle dispose d’outils juridiques spécifiques du fait de l’importance et de la visibilité du crime organisé. Une loi permet l’indemnisation via un fonds de solidarité des victimes d’actions du crime organisé, en protégeant aussi bien les individus que les sociétés.[5]

Mais c’est surtout le message des associés de montrer que la reconstruction peut se faire en partant des produits de la terre et non par des demandes de donation. Elle bénéficie de son réseau des amis (Rete degli amici) qui regroupe 250 personnes et qui est un outil de partage d’expériences. La coopérative va bénéficier d’une vague de soutien en Italie par le biais de ce réseau de personnes qui vont acheter les produits (vin et huile) où vont mettre à disposition de manière informelle, sur la base de la solidarité et de l’amitié, leurs propres moyens de production.  La structure même du réseau dans lequel la coopérative est inséré permet de d’amortir les conséquences de ce vol : au travers du consorzio Macramé mais aussi par sa participation à Reggio Libera Reggio, ce sont tous les membres de ces réseaux qui s’engagent par l’achat de ses produits. Une campagne de solidarité est aussi menée et relayée par la Banca Etica dont la coopérative est membre. Ce sont ainsi 19.000 euros qui sont collectés pour soutenir la reprise de son activité.


L’ambivalence des réseaux européens

Dans la Sicile voisine une enquête récente a démontré que des fonds européens sur les superficies agricoles avaient été détournés par la mafia pendant des années et ce pour des milliards d’euros. Pourtant, ce sont ces mêmes fonds qui permettent à une coopérative telle que Terre Grecaniche de se lancer. Pour Salvatore Orlando, « le recours aux fonds structurels a permis de faire plus rapidement des investissements que nous aurions fait quoi qu’il en soit. En outre La manière dont je vois les choses et que ces contributions par superficie prévues dans le plan de développement rural sont une compensation au coût de contexte. » Ainsi, la coopérative Terre Grecaniche a bénéficié des fonds structurels européens notamment le FEASR, le fonds de développement rural qui a financé l’achat de son tracteur à hauteur de 50% en 2015 mais aussi grâce au financement par superficie qui permet aux agriculteurs de recevoir chaque année une contribution proportionnel au nombre d’hectares et ce, en fonction qui sont effectivement cultivées. Avec une superficie de 30 hectares, la coopérative sociale reçoit ainsi entre 6 et 7.000 euros par an de cette contribution.

On voit ainsi que d’un même fonds européen, deux finalités totalement antagonistes peuvent exister en parallèle. Le problème n’est donc pas le fonds mais quel contrôle est effectué par l’Union européenne sur les fonds qui sont alloués. Une des manières d’y répondre est l’effectivité de l’utilisation du champ. La coopérative Terre Grecaniche utilise les fonds européens et les utilise de manière positive, elle emploie quatre personnes pour produire de l’huile et du vin donc des produits avec une forte valeur ajoutée. Ce sont aussi deux marqueurs culturels et historiques forts d’un territoire. Il n’est pas anodin que les noms des vins viennent rappeler les origines grecques de ce terroir (par exemple, le choix de nommer un des vins « Heraklion »).

De même, Salvatore Orlando nous fait partager son expérience sur ce point, car si les agriculteurs ont connaissance des possibilités de financement par les fonds structurels, dans la plupart des cas – où ce sont de petites exploitations agricoles – il est difficile de disposer du cofinancement nécessaire et de la TVA à anticiper. Là se trouve une des problématiques car si la solidarité est immédiate dans cette région – entre agriculteurs en général – la propriété, ne se partage pas et il est difficile de regrouper formellement les outils dans une coopérative. L’enjeu est donc important alors même que le crime organisé utilise ces contributions, ces fonds européens pour recycler de l’argent sale tout en augmentant ses capitaux.

En 1993, c’est un parlementaire européen grec, Sotiris Kostopoulos qui portait dans les institutions européennes la connaissance de cette « terra grecanica » : « de ces villages d’Aspromonte, en Calabre, qui constituent un héritage vivant de cette brillante civilisation, (…) témoignage de vingt-huit siècles d’une vivante présence. (…) dialecte des plus archaïques, qui a ses racines dans Homère et Démosthène. »

De nos jours, les citoyens de l’Union européenne ont aussi un rôle à jouer pour rencontrer cette « civilisation » par le biais les moyens de communication actuels et peuvent par exemple accéder au site web de www.terregrecaniche.it et commander directement des produits sur le site ou via le site d’une structure auquel elle est participe. La coopérative était déjà bien insérée en Suisse et au Luxembourg et y bénéficie de contacts réguliers. C’est aussi le cas en France avec l’association Crim’halt et en Belgique avec l’association Cultura Contro Camorra (CCc) dont l’objet est de promouvoir une solidarité européenne pour des « initiatives qui ont une histoire » et qui actuellement milite à Bruxelles pour une solidarité active envers la coopérative calabraise[6]. Ces initiatives reflètent  l’importance de créer des réseaux de solidarité européens qui viennent s’opposer à la dynamique des réseaux criminels européens déjà très nuisibles (comme le prouve par exemple l’opération Pollino de Europol et qui a aboutit à l’arrestation de nombreux membres de la ndrangheta en Europe, aussi bien en Italie qu’en Allemagne, Belgique ou Pays-Bas). Internet a apporté une nouvelle dimension à cette solidarité en permettant d’en diffuser sa culture, au-delà de tout localisme, non pas uniquement pour vendre les produits mais pour faire connaître la coopérative, ses bonnes pratiques.

 

Un nouveau départ

Aujourd’hui, sur les pentes de l’Aspromonte, l’activité va pouvoir repartir, une fois que le nouveau tracteur arrivera dans les jours qui viennent. L’avantage de l’activité agricole sur un terrain de 30 hectares est que la distanciation sociale est plus aisée. Ce qui peut changer de manière positive avec la crise du coronavirus est qu’enfin les personnes puissent se rendre compte selon Salvatore Orlando qu’il est nécessaire de se trouver des représentants sérieux, sains, compétents. « En se retrouvant ainsi face à une situation beaucoup plus dure de ce que tu pensais pouvoir supporter, tu te rend compte comme il est important par exemple d’avoir un hôpital qui fonctionne. »

 

Photographies de la reprise du travail sur les terrains de la coopérative le 22 Avril 2020 ©TerreGrecaniche



Le crime organisé on l’aura compris n’agit pas seulement en amont, en détournant les fonds européens mais aussi en aval par des actions contre les exploitations agricoles, vol, intimidation, destruction ou en créant des coopératives dont le seul but est la ressource financière publique. Pourtant, la réaction immédiate à ce vol a créé une dynamique solidaire localement, au niveau national mais aussi en Europe auprès de cette coopérative agricole qui peut reprendre son activité, « repartir » alors même que l’Italie est encore confinée et que la criminalité organisée est décrite dans des rapports internationaux et italiens comme première bénéficiaire de la crise sanitaire. Il est donc primordial selon Salvatore Orlando, que ce soit « la relation de confiance qui soit une valeur en elle-même », de rendre aux choses leur valeur sociale plus que strictement économique.

 

[1] Avec les communes de Africo, Bagaladi, Bova, Bova Marina, Brancaleone, Bruzzano Zeffirio, Cardeto, Condofuri, Ferruzzano, Melito Porto Salvo, Montebello Jonico, Monta San Giovani, Palizzi, Roccaforte del Greco, Roghudi, San Lorenzo, Staiti.
[2] 2393 habitants en 2019, données Istat.
[3] Cf ANSBC site consulté le 15 avril 2020
[4] Consortium qui regroupe une trentaine de coopératives et d’associations sociales
[5] Loi 512/99 du 22 décembre 1999
[6] le résultat de ces actions consiste respectivement en l’achat de produits pour l’équivalent de 2000€ en France et plus de 3000€ en Belgique (données Terre Grecaniche)